le cordon ombilical
J’avais 13 ans. Ma mère coupait des poulets sur une des planches de travail
de la cuisine du restaurant .Elle les découpait consciencieusement ,
méthodiquement avec une hachette qui me paraissait énorme .
- Mama je m’en vais
- Donde ?
- je vais au port du bec avec les copains
- para que ?
- on va faire du vélo sur la digue en béton
- no
- pourquoi ? j’ai fait mes devoirs
- porque no !
le marchandage continua durant un bon quart d’heure et tous mes arguments restaient vains devant sa détermination incompréhensible. Je sentais la colère monter en moi devant cette flagrante mauvaise fois
- por favor mama
- no
elle posa sa hachette pour boire sa boisson préféré (diabolo menthe) et c’est là que tout bascula dans ma tête je saisi la hachette. Je me mis contre la planche de travail et avec une violence inouïe la hachette vînt a ras de mon ventre se planter sur la planche de travail. Et je lui dis en la fixant droit dans les yeux
- voila le cordon est coupé
je fis demi tour et rejoignis mes copains
elle m’en parle encore aujour d’hui plus de quarante après
Quiero morir
j'avais huit ou neuf ans
tout est un peu confus
d'ailleurs tout ce qui touche
cette époque est troublé
repoussé
caché
enfoui
j'étais dans ma chambre
dans les sous sols du resto
ou travaillait ma mère
je lisais « Croc blanc »
et soudain des cris des hurlements
ceux de ma mère
la porte du garage s'ouvre
elle hurle
« me voy a matar
me voy a echar
delante de un camion »
je la rattrape sur la petite côte
qui mène vers la route
le passage du Gois est ouvert
il y a beaucoup de circulation
je ne me souviens pas de la fin
ce n'était pas la première fois
mais j'ai l'image dans ma tête
gravé à jamais
ma mère hurlant
et moi pleurant
suffoquant
accroché a sa blouse
et tirant de toute mes forces
pour la retenir
Je l’ai entendu parler fort.
je l’ai entendu crier puis hurler.
Elle a pleuré.
J’ai couru les rejoindre.
Il tenait dans une de ses mains
la montre qu’elle venait de lui offrir
Pour son anniversaire
(montre suisse étanche
puis qu’il était ostréiculteur ).
Il avait encore bu
Il criait son désespoir .
Il criait sa vie de merde ,
sa vie d’immigré sa vie de pauvre….
il lui jeta a la figure
un je n’aurais jamais du te suivre ici.
Il hurlait de plus en plus fort.
Elle se tenait contre le mur , terrorisée.
Son regard me fixait….
Je n’ai pas vu le geste.
J’ai juste entendu le bruit au milieu des injures.
Et puis il est parti.
Je ne me souviens plus de la suite,
sauf de cette montre éclatée contre le mur et
de ce bracelet métallique que j’ai ramassé .
c’est celui que je porte encore aujourd’hui presque 40 ans après…
Demain j’irais m’acheter un autre bracelet….
ce tableau est l'une des oeuvres
de ma mère Esperanza Partal
il fait partie d'un projet
que j'ai entamé avec elle
petits morceaux de tissus récupérés et cousus
celui ci fait partie de ma collection personnlle
Esperanza Partal
dans la plus pure tradition de l'art brut
voici un création de ma mère
Esperanza Partal
Écrire
Malgré l’usure
Malgré l’érosion
Malgré les tremblements
Malgré l’éclatement des pierres
Écrire
Malgré le grand éboulement
Écrire
Parmi les gravats
Écrire
A même les décombres