Comment s'évader
quand tout se referme
comment oublier
quand tout est là
peut être en faisant
n'importe quoi
faire passer le temps
par de drôles d'endroit
en sachant que cela
ne sert à rien
alors je peins
je sais qu'elle ne va
pas aimer ça
mais l'énerver une dernière fois
l'entre dire encore
« estas loco »
bien sûr c'est le début je suis loin d'être au bout
mais c'est ma manière de communiquer avec elle
J’avais 13 ans. Ma mère coupait des poulets sur une des planches de travail de la cuisine du restaurant. Elle les découpait consciencieusement,
méthodiquement avec une hachette qui me paraissait énorme.
- Mama ,je m’en vais
- Donde ?
- Je vais au port du bec avec les copains
- Para que ?
- On va faire du vélo sur la digue en béton
- No
- Pourquoi ? j’ai fait mes devoirs
- Porque no !
Le marchandage continua durant un bon quart d’heure et tous mes arguments restaient vains devant sa détermination incompréhensible. Je sentais la colère monter en moi devant cette flagrante mauvaise foi.
- Por favor mama
- No
Elle posa sa hachette pour boire sa boisson préférée (diabolo menthe) et c’est là que tout bascula dans ma tête. Je saisis la hachette. Je me mis contre la planche de travail et avec une violence inouïe la hachette vînt à ras de mon ventre se planter sur la planche de travail. Et je lui dis en la fixant droit dans les yeux :
- Voila, le cordon est coupé.
Je fis demi tour et rejoignis mes copains.
Elle m’en parle encore aujourd’hui plus de quarante ans après
Je fais le ménage
dans toutes les pièces
de la maison
pièce par pièce
sol après sol
meubles après meubles
comme si je voulais
ma nettoyer moi même
je cuisine
du riz de la soupe du poulet
du pot au feu à l'andalouse
je fais de l'escabèche
de la basquaise des cakes
du poisson farci
il n'y a plus de place
dans le congélateur
je ne sais pas coudre
alors je peins des toiles des sacs
des fauteuils des chaises des murs
des portes des éventails des t-shirts
il n'y a plus que mon cœur
à repeindre
et aussi mes larmes
je fais je fais je rempli je comble
mais rien y fait
elle s'en va
et mon monde se creuse
50x200 sur bois technique mixte peinture industrielle
Dans mon rêve
résonne la rondeur
des oranges
et la frénétique
ondulation de la mer
tout y est à l’excès
tout a l'accent
de ma langue natale
tout se mélange
à la terre rouge
l'eau le levant et le soleil
dans mon rêve
c'est là que tu respires
Elle est du sud
Elle est fille du soleil
de cette lumière qui aveugle
elle est du sud
elle fille de la mer
dont le sel irrite les blessures
elle est du sud
elle rit et chante
dans sa cuisine
où elle à créé
les parfums et les saveurs
de mon existence
elle est mon sud
un deuxième AVC
un terrible AVC
un terrible bilan
et des larmes lames
lacèrent mon âme
Écrire
Malgré l’usure
Malgré l’érosion
Malgré les tremblements
Malgré l’éclatement des pierres
Écrire
Malgré le grand éboulement
Écrire
Parmi les gravats
Écrire
A même les décombres